QUELQUES PAS DE MÉDITATION VERS UN PANTHÉISME DU FUTUR
I — INTRODUCTION
De l’Antiquité à nos jours, au-delà des religions officielles et sous toutes les latitudes, une conception spirituelle et unitaire de Dieu et de l’Univers a fait un chemin particulier jusqu’à nos jours, à savoir le panthéisme (gr. pan, tout, et theos, dieu). En Europe, ce sentier fut parcouru, tout au long des siècles, par de grands penseurs comme : Thalès de Milet, Xénophane de Colophon, Parménide d’Élée, Zénon de Citium, Diogène de Laërce, Cléanthe, Cicéron, Marc Aurèle (Empereur Romain), Plotin, Proclus Diadochus, David de Dinan, Giordano Bruno, Spinoza, John Toland (inventeur du mot panthéisme), Dom Deschamps, Hegel (panlogisme), Schelling, Bergson, Albert Einstein, Carl Sagan, etc., etc. Il y eut même un panthéisme arabe notamment avec Avicébron (1020-1058) qui exposa son panthéisme personnel dans « La Source de vie », connue par une traduction latine. En fonction de la liste de ces quelques auteurs, on peut déjà dire que le panthéisme est aussi ancien que la philosophie. Tous les systèmes métaphysiques ou religieux qui réunissent Dieu et le monde, pour n'en former qu'un être unique, se rattachent à cette doctrine. Extrêmement nombreux et de formes très différentes, ces systèmes ne sauraient être ramenés à un seul type ; ils ont toutefois ceci de commun qu'ils considèrent Dieu comme identique à l'ensemble des réalités et n'admettent pas la distinction, chère au théisme traditionnel, entre Dieu et l'univers.
En un concept de synthèse on peut déjà oser avancer que le panthéisme est la doctrine philosophique qui assimile Dieu à l’Univers et à tous les univers éventuels et possibles. Dieu ne serait pas créateur et extérieur à l’Univers ; Il serait et est simplement toutes les choses de l’univers ainsi que son âme. Tout ce qui existe est en Dieu et réciproquement.
Selon la pensée panthéiste Indoue (panthéisme acosmique ou panenthéisme de Sankara), l’âme n’est pas une chose dont on puisse dire qu’elle a été ou qu’elle sera ; elle est sans naissance, constante, éternelle, incorruptible, inépuisable, indestructible, universelle, permanente, immuable, inaltérable. Dans notre dimension elle prend corps autant de fois qu’il est nécessaire à sa mission (réincarnation).
En un premier temps, et pour simplifier, on peut soutenir qu’un certain nombre de penseurs/chercheurs, au cours des siècles, ont avancé qu’il s’agit d’une doctrine philosophique selon laquelle tout ce qui existe est en Dieu qui est lui-même le Tout, l’Univers/conception, la divinité et la nature étant confondue. À l’encontre du monothéisme, le panthéisme pense donc un Dieu immanent, ni extérieur ni supérieur au monde. Ni créateur, ni personnel, le Dieu du panthéisme tend à s'identifier avec la nature (Spinoza, Éthique, IV, Préface). Si on peut reconnaître des formes ou des tendances panthéistes dans le stoïcisme, le néo-platonisme et dans certaines religions (hindouisme, mais aussi chrétienté), la théorie de Spinoza s'est imposée comme archétype pour penser le panthéisme. Faire de celui-ci un athéisme ou un matérialisme caché est un contre-sens polémique sur la pensée de Spinoza ; contre-sens plus ou moins volontairement commis au XVIIIe siècle par les adversaires et les défenseurs du monothéisme traditionnel. Plus une philosophie religieuse qu'une religion, le panthéisme met en exergue une difficulté du monothéisme : individuer (lui donner une forme individuelle) Dieu est le limiter (fût-ce pour lui donner une infinité d'attributs), et le séparer du monde supprime son infinité. On distingue un panthéisme naturaliste (ou matérialiste), qui identifie Dieu au monde (Diderot, d'Holbach) et un panthéisme qui identifie le monde à Dieu (Spinoza). La première version étant accusée à juste titre de n'être qu'un athéisme déguisé. On pourra constater, au travers des pensées des auteurs ci-après que le panthéisme n’est pas seulement un système unitaire du monde, mais il parvient à une sorte de conscience de soi ; c’est aussi une sorte de voie philosophique devant conduire à une expérience. Il s’agit de la modalité vécue selon laquelle la conscience exaltée éprouve cette unité du monde, unité passionnante à la fois par la force des liaisons rationnelles qu’elle dévoile et par la splendeur du contenu cosmique avec lequel la conscience se trouve concrètement unifiée. Cette voie rationnelle menant à l’expérience quasi mystique, notamment chez Plotin et sur un registre nettement supérieur chez Spinoza.
II — LES HIÉROPHANTES RATIONALISTES DU PANTHÉISME
Si la philosophie n’est rien d’autre, aux yeux des panthéistes, que la connaissance de l’unité, ce n’est pas seulement en raison de l’exigence d’intelligibilité rationnelle que comporte l’idée de philosophie, c’est aussi parce que la philosophie est en réalité à la recherche d’un accord profond avec soi-même et le monde ; or seuls les systèmes monistes peuvent accéder au sentiment d’un tel accord et à l’expérience d’une certaine joie d’être. On peut déjà avancer que le monisme panthéiste est une des expressions les plus hautes de l’entreprise philosophique elle-même, en tant qu’elle tente de délivrer l’homme des arrières mondes introspectifs et de l’angoisse qu’ils entraînent. En toute honnêteté intellectuelle on devrait réserver le terme de panthéisme (créé pendant le Renaissance) à un petit nombre de philosophes chez lesquels apparaît explicitement l’affirmation de l’identité de Dieu avec le tout de l’être, celui-ci englobant la nature ou se réduisant à elle. L’affirmation principielle du panthéisme porte donc sur l’Unité de l’Être, c’est-à-dire sur l’unité homogène et dynamique de la Totalité. Nous passons, ci-après, en revue ce que nous estimons êtres les principaux acteurs correspondants à cette pensée panthéiste au travers des siècles :
Thalès de Milet (-625-547 avant J.-C.). Il émit une doctrine (hylozoïsme) selon laquelle la matière est vivante par son intégration à l’univers, qu’anime une âme universelle. Il est l’auteur, avant Socrate, de cette magnifique devise : « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ».
Xénophane de Colophon (-570-475 avant J.-C.). Contemporain de Pythagore et fondateur de l’école métaphysicienne, il préconisa un panthéisme spiritualiste, qui reçu de Parménide d’Élée sa forme dernière. Pour compléter, on peut préciser que les philosophes d’Élée constituèrent le panthéisme dans toute la rigueur de ses principes et de ses conséquences. Partant du principe de l’émanation, ils prouvaient avec évidence que rien ne peut être produit ; mais si rien n’est produit, l’unité seule existe, toujours semblable à elle-même. Enfin, Aristote a affirmé que Xénophane identifiait Dieu à l’Univers. On peut détecter que la plupart des pensées présocratiques possédaient une tonalité nettement panthéiste.
Parménide d’Élée (entre 530 et 444 avant J.-C.). Philosophe grec de l’école Éléate, dans son poème Περὶ φύσεος il écrit que l’Univers matériel et étendu est l’Être unique, éternel et immobile qui est à la fois l’UN et le TOUT, dans lequel il n’y a ni génération, ni destruction, ni mouvement, ni multiplicité.
Zénon de Citium (environ -332, -262 avant J.-C.). Fondateur du stoïcisme, il fut le premier, dans son œuvre, qui ait affirmé clairement que la totalité de l’univers est Dieu. Selon lui, cet univers est un être vivant et sage et en cela il est divin. Raison universelle, providence, le Logos est en quelque sorte l’âme de cet être vivant qu’est l’univers. Selon lui, la nature est régie par un ordre divin, raisonnable, sage et vertueux et l’homme issu du Logos, est un citoyen du monde.
Diogène Laërce ou de Laërte (III° avant J.-C.). Ce philosophe a d’abord exploré les accords et les décalages entre la vie des stoïciens et leurs doctrines dont notamment la physique et son panthéisme matérialiste.
Cléanthe d’Assos (-330-232). Disciple et ami de Zénon de Citium, il soutint l’idée d’une représentation moniste et panthéiste de l’univers, et affirma la suprématie de la raison divine, de l’universelle nature conformément à laquelle il convient de vivre.
Cicéron (106-43 avant J.-C.). Homme politique et orateur romain. Selon lui, l’univers est Dieu, et il n’y a rien en dehors de lui, il est harmonieux et parfait en tout, il embrasse toutes choses. C’est le meilleur des êtres, à qui il ne peut pas manquer l’intelligence et la raison de la nature des dieux.
Marc Aurèle (121-180). Empereur romain, adopté par Antonin, il lui succéda. Dans ses « Pensées », il dit « Considère sans cesse que le monde est comme un être unique, contenant une substance unique et une âme unique, comme tout aboutit à une seule et même perception, la sienne; comment il fait tout d'une seule impulsion première; comme toutes choses causent à la fois ce qui arrive et quelle sorte de trame serrée, compliquée, elles produisent ».
Plotin (205-270). Philosophe grec, disciple d’Ammonios Saccas, il est le fondateur d’une école à Rome. Dans ses « Ennéades » il décrit, de façon émanationniste, l’unité absolue de l’Univers, et c’est pour lui le point de départ, le principe nécessaire, la source et le terme de toute réalité, ou plutôt la réalité elle-même, la réalité originelle et primitive : rien de ce qui existe n’a de réalité qu’autant qu’il se rapproche et y participe. Il a affirmé que par les niveaux intelligibles de l’être, c’est-à-dire l’Un, l’Intelligence et l’Âme, on peut passer sans discontinuité de l’Un au multiple, de l’absolu au temporel, de l’universel au singulier, et cela grâce au double principe de l’émanation (qui rend compte de la procession des hypostases) et de la participation (qui rend compte de l’unité de l’univers).
Proclus Diadochus (412-485). Philosophe grec, néoplatonicien et auteur notamment d’une « Théologie platonicienne », il présente un univers beaucoup plus élaboré que Plotin, en subdivisant les éléments du système de ce dernier dans leurs parties logiquement distinctes, et posant ces pièces comme des choses individuelles. Cette multiplication d'entités est équilibrée par le monisme qui est commun à tous les néoplatoniciens. Ce que cela signifie est que, d'une part l'univers est composé de choses hiérarchiquement distinctes, mais de l'autre toutes les choses font partie d'une seule émanation continue de la puissance de l'Un. De ce dernier point de vue, les nombreuses distinctions que l'on trouve dans l'univers sont le résultat de la perspective divisée de l'âme humaine, qui a besoin de faire des distinctions en elle-même, afin de comprendre les réalités unifiées.
David de Dinan (1160-1217). Théologien et philosophe à la cour du pape Innocent III, il enseigna ensuite à l’université de Paris vers 1210, où il fut condamné sous le reproche de panthéisme par le synode. Sa doctrine se résumait en cette conclusion : « Il est manifeste qu'il n'y a qu'une seule substance non seulement de tous les corps mais même de toutes les âmes, et elle n'est rien autre que Dieu lui-même. La substance de laquelle sont tous les corps est appelée hylè, la substance de laquelle sont toutes les âmes est appelée ratio sive mens [...] Si donc le monde est Dieu lui-même, en dehors de lui-même, perceptible au sens, ainsi que Platon, Zénon, Socrate et beaucoup d'autres l'ont dit, la hylè du monde est donc Dieu lui-même ; la forme adventice n'est rien autre que ce que Dieu rend sensible, lui-même. »
Giordano Bruno (1548-1600). Sa conception sur l’univers fut grandement influencée par Pythagore qui enseignait que les nombres étaient la base de l’ordre cosmique et le commencement des choses. Il a notamment écrit ceci : « Il n’est pas raisonnable de croire qu’il est une seule partie du monde qui soit dénuée de vie animique, de sensation et de structure organique. À contempler ce Tout infini, plein de beauté et de splendeur, ces vastes mondes qui tournent au-dessus de nous, jusqu’à l’étincelante poussière des étoiles lointaines, la conclusion s’impose qu’il existe une infinité de créatures, une vaste multitude, qui, chacun à son gré propre, reflète la splendeur, la sagesse et la perfection de la beauté divine. Les cieux sont une image, un livre, un miroir, où l’homme peut contempler et déchiffrer la forme et les lois de la bonté suprême, le plan de la perfection dans sa totalité. Tous les êtres émanent de cet esprit unique. Il existe une vérité et une bonté uniques pénétrant et gouvernant toutes choses. Nous sommes entourés par l’éternité et par l’harmonie de l’amour. Il existe qu’un seul et unique centre d’où toutes les espèces émanent comme les rayons d’un soleil, et vers lequel toutes les espèces retournent. Il n’existe qu’une seule étendue céleste où les étoiles chantent en chœur l’harmonie ininterrompue. C’est de cet esprit, qu’on appelle la Vie de l’Univers, que procèdent la vie et l’âme de tout ce qui possède vie et âme ; vie que je conçois cependant comme étant immortelle, aussi bien dans les corps que dans les âmes car il n’y a d’autre mort que la division et la réunion. ». Selon Giordano Bruno, l’Être original et total est Dieu. Mais on peut le considérer du point de vue de la Matière et du point de vue de la Forme. La Matière, infinie et intelligible n’est pas étrangère à Dieu, elle est Dieu même en tant qu’il est potentialité infinie, c’est-à-dire puissance : s’il est Tout, et fait tout, Dieu doit pouvoir également tout. La matérialité est l’expression de ce pouvoir. Cependant, Bruno ne sépare pas forme et matière. La Forme est l’opération de la Nature qui agit dans la matière et du dedans de celle-ci. Cette Forme qui est l’expression de Dieu, peut à son tour se distinguer en Intelligence et en Âme. Par conséquent, la doctrine centrale de Bruno consiste dans l’affirmation d’un monisme de l’infinité absolue. « Dieu n’est pas distinct de l’Univers, et cet être unique et infini constitue la Substance. Plus précisément, Dieu et l’Univers sont deux aspects d’une seule et même Entité, Dieu ou l’Univers/Conception. »
À la suite de ses écrits, Giordano Bruno fut accusé d’hérésie par l’Inquisition et brûlé vif en 1600.
Spinoza (1632-1677). Philosophe hollandais, qui étudia pour devenir rabbin mais fut exclus, de par ses opinions, de la communauté juive et devint par la suite le fondateur d’un style de pensée philosophique, tel le panthéisme. C’est en toute rigueur que Spinoza affirme que Dieu est Substance et doit être identifié à la Nature. La puissance de Dieu, à savoir la Substance, n’est rien d’autre que son existence même. L’infini est l’être en acte, et celui-ci ne découle d’aucune potentialité ni d’aucun acte de création. Cela signifie en clair que la Substance désigne l’autonomie absolue de la totalité du réel, celle-ci trouvant en soi seule, et d’une façon éternelle, l’origine immanente de son être et de son actualité. Sans cause, la Substance, c’est-à-dire ce qui est essentiel dans la Nature est également sans fin. Elle désigne l’autosuffisance du monde, son caractère premier parce qu’éternel, son autonomie logique et existentielle, son homogénéité ontologique enfin, puisque tout ce qui est et tout ce qui est pensable est et ne se pense pas par la même substance, infinie, universelle, une et identique. La substance n’est pas produite et ne produit pas au sens strict. Certes, Dieu est cause immanente du monde et des êtres, mais non pas au sens où cette cause produirait quelque chose hors de soi, par émanation ou rayonnement, ou actualisation. En une très brève conclusion, on peut avancer que le Dieu Nature de Spinoza est puissance active infinie (manifestée par la Nature et son déploiement), mais il est encore Pensée et Réflexion : « l’entendement » de Dieu n’est que la totalité des entendements finis et par eux l’Être se pense. Il reste cependant paradoxal de dire que Dieu se pense. La Substance une et infiniment infinie est sans détermination dans le système spinoziste de la Nature. Ce système passe ordinairement et aujourd’hui pour être la philosophie même de la totalité, de la nécessité et de l’éternité. Pour conclure, il semble bien que Spinoza, au-delà de tout paradoxe, soit l’incarnation de la philosophie moderne dans son plus authentique commencement.
John Toland (1670-1722). Ce philosophe et écrivain Irlandais fut, selon Wikipédia, la première personne à être qualifiée de libre-penseur par l’évêque Berkeley. Il écrivit notamment le Pantheisticon publié 1720, peu de temps avant sa mort. C’est dans cet ouvrage que le terme de panthéisme apparaît pour la première fois. Ceci posé, nous comprenons mieux comment le panthéisme de John Toland, en se mariant aux recherches celtiques d'Aubrey et de Stukeley, aboutit à la naissance d'un panthéisme celtique sous la forme de ce Druid Order de 1717 qui fusionne en sa naissance avec la maçonnerie londonienne et que les rapports, tant culturels qu’humains, entre ces deux mouvements ne sont pas accidentels ni hasardeux. Les œuvres « apologiques » en seront la preuve puisqu'elles mettent en évidence une maçonnerie panthéiste et pythagoricienne citant des pans entiers de l'œuvre de Toland, et qu'il faut considérer non pas comme une maçonnerie marginale mais plutôt comme le reflet d'un mouvement suffisamment étendu pour que le Vatican fasse des autodafés de sa littérature et fulmine des bulles d'excommunication à son encontre.
Dom Deschamps (1716-1774). Bénédictin athée, matérialiste et communiste du XVIIIe siècle, il occupe une position inconfortable entre Spinoza et Hegel quant à sa conception du Tout. Opposé à Rousseau en ce qui concerne la signification et la fonction du recours à « l’état sauvage », son jugement sur le débat entre Maupertuis et Diderot à propos de la génération des vivants et de l’unité d’un organisme, le conduit à ranger ses contemporains parmi les « demi lumières » et à exiger le passage du « demi-jour » au « grand jour ». Obéissant au travail du négatif, sa dialectique originale de tout, le Tout et Tout, s’effectue du point de vue d’une ontologie matérialiste. L’échec de l’effort de dom Deschamps pour convaincre ses contemporains, philosophes des Lumières et encyclopédistes, prend sa source dans la violente critique qu’il leur a infliger : leur matérialisme n’est pas plus conséquent que leur philosophie naturelle car ils n’ont pas su reconnaître que la pensée et la matière n’étaient que des parties de l’Existence résorbées dans la considération de leur différence, du Tout et de Tout, en qui n’existe que le Rien. (Notes d’un séminaire d’Annie Ibrahim).
Hegel Friedrich (1770-1831). Philosophe allemand, professeur à Iéna, Heidelberg et Berlin. Il s’inspira, entre autres, de la Bhagavad Gita pour illustrer ce qu’il nomme la poésie panthéiste. Selon lui, Krishna (un des avatars de Vishnou) se définit à la fois comme la totalité, la somme de ce qui existe – expression du panthéisme vulgaire -, mais aussi et surtout comme le principe d’excellence de tout ce qui existe. Hegel avance que c’est « l’unité substantielle » qui est exprimée. Il constate que dans la tradition indienne il y a un balancement perpétuel entre panthéisme et panenthéisme, entre panthéisme de Tout et panthéisme du Tout. Le panthéisme transcendantal ne concilie pas seulement le moi et l’absolu (ou l’infini), il réunit l’esprit et la nature, la transcendance et l’immanence. On peut conclure que sa philosophie occupait une crête étroite entre le théisme et une forme de naturalisme ou de panthéisme.
Schelling Wilhelm, Joseph (1775-1854). Philosophe allemand, disciple de Kant, il a essayé de dépasser la philosophie transcendantale en élaborant son propre système que l’on peut estimer proche du spinozisme. Dans sa démarche philosophique il suggère que Dieu n’est rien d’autre que l’univers en train de se faire, l’histoire de la conscience s’arrachant à l’univers matériel et se mettant à régner par-dessus la nuit de la nature. Dieu est une émergence. Schelling n’attend même pas l’objection il se jette en elle. Cette façon de penser fait de la philosophie un panthéisme. Schelling s’empare de la dépouille du panthéisme, l’évalue à la hausse et en fait l’éloge en montrant que jusqu’ici personne ne l’a compris, et surtout pas Spinoza. Ce dernier eut une bonne idée en proposant l’identité de Dieu et de la nature, mais n’a pas su la développer. C’est une revendication d’un panthéisme capable de dépasser les difficultés de Spinoza. Il est le fondateur de la Naturphilosophie.
Bergson 1859-1941). Philosophe et écrivain français et spécialiste de la biologie évolutionniste. En ce qui concerne l’univers, Il a constaté que tout se passe comme si un large courant de conscience, un Élan vital avait été lancé à travers toute la matière pour l’entraîner à l’organisation. Ainsi, l'extraordinaire variété des formes vitales se manifeste, vue du dedans, comme un grand arbre dont la racine est l'Élan vital, cherchant à se déployer, comme nous le voyons en nous, dans la plénitude de la vie spirituelle. Mais « l'équilibre instable des tendances » que cet Élan synthétise en sa simplicité, et la résistance de la matière ont exigé le déploiement en gerbe. Les multiples espèces représentent des essais variés de la vie pour progresser ; beaucoup de ces voies étaient des impasses : la conscience n'a pu passer et a tournoyé sur place, d'où la fixité des espèces. Mais dans quelques grandes directions que Bergson reconstitue ingénieusement, le progrès a réussi, à travers la torpeur de la vie végétative, vers l'activité toujours plus grande de la vie animale, grâce à la conquête d'un système nerveux toujours plus parfait. Ainsi les espèces ne se suivent pas en ligne droite, mais beaucoup sont complémentaires, souvent deux à deux, représentant diverses solutions d'un même problème.
Albert Einstein (1879 – 1955). Dans son livre, « Comment je vois le monde », il cite cette phrase « Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l'harmonie ordonnée qui existe, non pas en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains ».
Carl Sagan (1934 – 1996). Dans son livre « Un point bleu pâle » il cite « Une religion vieille ou nouvelle, qui a souligné la magnificence de l’univers comme révélé par la science, pourrait être capable d'avancer des réserves de révérence et de crainte rarement captée par les fois conventionnelles. Tôt ou tard, une telle religion apparaîtra ».
Henry P. Stapp (physicien contemporain). « Tout se passe comme si l’univers entier était un seul organisme dont les diverses parties communiquent instantanément » et où « l’être humain devient une partie du processus par lequel la nature fait usage de la latitude (ou liberté) résultant du principe d’indétermination pour injecter forme et structure dans l’univers ». Dans cette perspective ajoute le physicien « l’idée que chacun puisse être séparé et distinct des autres n’est qu’une illusion causée par des apparences trompeuses ».
Nous avons cités, à notre connaissance, les principaux auteurs de tendance panthéiste, mais naturellement la liste est loin d’être close.
III — PRÉMICES D’UN PANTHÉISME DU FUTUR
Notre ère astrologique actuelle, celle des Poissons, qui est en train de s’achever, aura été, comme son orientation principale le prévoyait, une ère à tendance religieuse dans sa manifestation de base. Soit un ensemble, de croyances et de pratiques cultuelles, qui fonde les rapports entre les hommes et le sacré. Par conséquent, un ensemble fondamental et spécifique de croyances et de pratiques généralement accepté par un certain nombre d’organisations religieuses ou de sectes : la religion chrétienne, la religion bouddhique, la religion musulmane etc… Il ressort souvent de ces croyances et pratiques une approche théiste, à savoir la théorie qui comporte l’existence d’un Dieu personnel, créateur et providentiel (extérieur à la Création), elle s’oppose non seulement à l’athéisme, mais aussi au panthéisme. Cependant, après deux millénaires de cette orientation nous sommes arrivés à une époque troublée, tourmentée, confuse. Faut-il se vouer à quelque saint ou seulement croire en soi-même, c’est-à-dire investiguer son être intérieur ? De plus, chaque jour sur la terre, des crimes sont commis au nom d’une religion dans l’exercice même de leur ministère. Pour autant, jamais le monde n’a autant eu besoin des valeurs de solidarité, de partage, d’amour, de respect, alors même que beaucoup jugent la sécularisation responsable de la déliquescence de nos sociétés. Dès lors, le débat reste polarisé par une alternative qui semble indépassable : croire en Dieu – et donc d’adhérer à une religion – ou ne pas croire et se ranger de facto parmi les agnostiques ou les athées. Pourtant, le véritable débat est plus subtil et nuancé puisque beaucoup d’entre nous commencent à se réclamer aujourd’hui d’une forme de spiritualité mais pas d’une religion instituée.
L’approche religieuse et majoritaire sur ces deux millénaires ainsi que la tendance de l’orientation actuelle, n’a cependant pas empêché le mysticisme d’exister avec sa doctrine et sa pratique par lesquelles l’individu essaie de parvenir à une conception mystique de Dieu, ou en d’autres termes de l’Absolu (et bien d’autres dénominations). Sa pensée majeure est que l’homme n’a pas automatiquement la nécessité d’un intermédiaire pour agir et parvenir à la conscience d’un pouvoir transcendantal. Un mystique n’adhère pas forcément à une organisation religieuse, car en général, il a l’intuition, la conviction et souvent l’expérience qu’il a un lien intérieur avec le Tout (Dieu, Source divine, etc.). Par ailleurs, il sait intuitivement ou par expérience personnelle que l’Illumination et l’extase procurées par le mysticisme sont des réalisations personnelles. En une brève définition, on peut déjà avancer que le mystique est un individu qui a une conception particulière et une méthode pour transformer une conception mystique en une expérience vécue à tous les niveaux de son être et de son environnement. Cette expérience personnelle et vécue est la réalisation de l’unité du moi avec l’Unique, à savoir l’Absolu, le Tout (Dieu, l’Esprit Universel, le Cosmique, l’Intelligence suprême, l’Unique, l’Univers conception). De manière générale, le mystique se réfère à la partie intérieure du moi et à la complexité de son expression, soit comme la partie spirituelle, ou comme la partie psychique de la totalité du moi. Cette expérience d’Unité intense est toujours personnelle et ne demande pas d’intermédiaire. Le raisonnement de la doctrine mystique à cet égard, c’est que la qualité de cette expérience sublime n’est pas transférable d’un esprit à un autre. Le Moi doit directement réaliser sa relation intégrante avec le Tout, donc hors des méthodes apprises et habituelles. L’expérience mystique intime, l’ultime unité ne peut pas être divulguée au mystique ; tout ce qui lui est montré ou enseigné n’est que le « CHEMIN ». Les mystiques, les plus libres dans leur conscience, qui cherchent à connaître la grande infinité, à en devenir conscients par l’expérience personnelle, sont souvent et aussi panthéistes. Le panthéiste mystique ne se polarise, d’aucune façon sur un être, un événement ou objet religieux, il cherche uniquement une union avec ce dont la nature se compose et dont elle est une création. Par sa mise en condition spirituelle, il vit un accord mystique qui l’amène à sentir qu’il embrasse l’infini. Il étudie et entre en communion, donc en harmonie avec les lois naturelles, spirituelles et fondamentales de l’univers, y compris des hommes, pour améliorer sa pensée et sa compréhension. De part la réalisation de son unité avec le Tout, IL DEVIENT et EST sans besoin d’intermédiaire. Pour ce faire, la méditation reste un premier élément fondamental de l’approche mystique car elle a un triple but : 1° le contrôle de soi-même, 2° le développement de facultés et attributs plus élevés qui tendent vers une vision de l’unité essentielle de la vie, 3° l’union de la double nature de l’homme dans processus spirituel continu. Cette approche ne peut se concrétiser que par l’application de cette locution latine : « mens sana in corpore sano ». Une âme saine dans un corps sain. C’est le but de la vie mystique : la révélation du moi et l’expression de l’harmonie de la conscience spirituelle intérieure de sorte que nous puissions rayonner cet amour spirituel qui réside en nous.
Au plan de la matière, une certaine forme de panthéisme du futur pourrait imaginer que l’Univers actuel serait, en quelque sorte, une nouvelle incarnation du Tout (l’Univers conception, Dieu, l’Absolu, le Principe Universel, l’Être Suprême, etc.) qui aurait pris naissance à un instant donné. Au commencement était la lumière. Dans des conditions extrêmes de l’Univers naissant (en sa nouvelle incarnation), cette lumière était retenue prisonnière par la matière ionisée (un plasma) de la même façon qu’un brouillard dense retient la lumière des phares. Puis l’Univers en expansion se refroidissant, la matière devint transparente et le rayonnement pur put se propager librement. Aujourd’hui, près de 14 milliards d’années (plus ou moins) plus tard, les photons issus de cette grande libération de lumière constituent le fond diffus de rayonnement cosmologique. Cependant, selon Auguste Blanqui, « Les combinaisons de la matière, malgré leur multitude, ont un terme et, dès lors, doivent se répéter pour atteindre à l’infini. La nature tire chacun de ses ouvrages à milliards d’exemplaires ». Ceci laisse supposer qu’il pourrait y avoir une multitude d’univers. D’où toutes les pensées et écrits sur les univers parallèles de la littérature de science fiction. Mais, n’a-t-on pas déjà vu de la science fiction devenir réalité ?
Selon cette forme de panthéisme du futur, chaque électron, atome, minéral, végétal, animal, humain, planète, système solaire, constellation, sur l’ensemble du ou des univers, seraient parties intégrantes du Tout. « Ce qui est en haut est égal à ce qui en bas ». En tant qu’entités spirituelles affectées à la planète Terre, nous ferions successivement l’expériences des quatre règnes : minéral, végétal, animal et humain. Dans le dernier règne, il nous faudra accomplir, avant d’intégrer un plan spirituel supérieur (ne plus se réincarner), 144 incarnations dont la durée maximum de chacune est de 144 ans, soit 20.736 années terrestres pour la mission complète. Comme, pour l’instant, nous n’atteignons jamais les 144 ans, nous restons, à notre mort physique, dans une sphère d’attente avec une famille spirituelle de notre niveau, avant de nous réincarner. Nous avons aucune connaissance des étapes et des missions que nous aurions à accomplir sur les plans supérieurs. Dans cette voie de réflexion et de raisonnement, ce qui nous semble sûrs c’est l’éternité de notre existence spirituelle. En continuant dans cette logique, on peut également présumer que l’entité Univers (le nôtre) évolue matériellement et spirituellement et qu’à la fin de son temps imparti, il passera lui aussi sur un plan spirituel plus élevé et disparaîtra en tant que matière. Il y aura alors peut être un nouveau bing bang pour une entité en voie de manifestation et d’incarnation. Mais ce n’est pas demain la veille, car qui peut séparer le fini de l’infini. Où commence l’un et finit l’autre ? Si cette séparation n’est pas évidente, alors n’y a-t-il pas unité de leur nature ?
Ce qui nous amène à constater que tout semble être conscience depuis l’électron, l’atome, le minéral, le végétal, l’animal, jusqu’à l’homme et au-delà, dans l’infini. Par conséquent, on peut en conclure que nous sommes tous frères spirituellement parlant, car nous sommes tous de la même essence. Cette vérité fondamentale devrait nous faire réfléchir sur notre comportement vis-à-vis de la nature toute entière, que ce soit pour notre alimentation et notre environnement (minéral, végétal, animal) et également pour nos frères de la race humaine (quid des guerres dévastatrices qui ravagent sans cesse l’humanité depuis l’aube des temps ?). Ceci n’exclut pas les besoins des organismes de chaque espèce et la nécessité de se nourrir en fonction des possibilités et des besoins. La règle fondamentale étant de ne tuer que pour vivre, alimentairement parlant et non détruire pour le plaisir de chasser et autres. Les animaux seront élevés avec respect (comme ce le fut pendant des siècles) et non de façon industrielle comme aujourd’hui.
Il s’avère possible que dans un siècle, avec la manifestation concrète des effets de l’ère du Verseau, les religions du passé et actuelles ayant été totalement analysées et jugées selon le niveau spirituel et scientifique atteint par l’élite de l’humanité, il puisse s’instaurer, non pas une religion au sens traditionnel du terme, mais une philosophie spirituelle (par exemple, un panthéisme scientifique et spirituel) qui ferait de l’univers une entité complète et que nous serions une catégorie d’atomes ou de cellules de l’organe (où tout autre dénominatif) Terre, elle-même cellule de l’Univers. Selon cette voie, nous ne prierons plus Dieu, mais nous rechercherons à nous mettre en harmonie avec l’Univers, de ne faire qu’un avec Lui, sur le plan psychique, bien entendu. Pour ce faire, on peut reprendre les différentes postures propres à chaque religion, en se concentrant psychiquement et spirituellement afin de ne faire qu’un avec le Tout (l’Âme de l’Univers). Alors, les effets psychiques obtenus feront des humains prenant cette voie des êtres, débarrassés des doutes, des souffrances et des haines, mais orientés vers la réalisation et l’accomplissement de la mission universelle et divine. Il est possible que cela se passe selon un plan différent, mais le concept reste valable. Ces êtres, à la fin de leur succession de morts physiques, passeront sur les plans supérieurs et feront l’ascension des différentes hiérarchies célestes (vaut mieux dire psychiques et spirituelles), selon les lois qui gèrent l’Univers (matériel, psychique et spirituel). Et un jour, notre univers physique disparaîtra et passera à son tour sur le plan spirituel, mission accomplie.
On peut imaginer que la connaissance de cette philosophie spirituelle, ne pourra être, en aucun cas, acquise sous la dépendance d’un représentant religieux (prêtre, pasteur imam, bonze et autres, existants et à venir), mais transmise de façon civile et universelle, sous le contrôle d’une assemblée de sages au niveau mondial. Naturellement, la liberté restera acquise à ceux qui ne voudront pas adhérer aux concepts. Ces derniers auront été étudiés, vérifiés et mis à disposition après l’approbation de la majorité des citoyens de la Terre. La liberté, intellectuelle et spirituelle, devra rester totale à ceux qui n’approuveront pas cette voie. Les représentants de la Science, de la Philosophie et de la Spiritualité auront pour missions régulières d’étudier ensembles et de faire le point années après années, car les futurs voyages au-delà du système solaire nous apporterons certainement de nouveaux éléments de réflexion et de conviction. Le problème fondamental sera de savoir doser l’enseignement en fonction des différences intellectuelles, culturelles et matérielles des habitants de la Terre. Sous contrôle et assez tôt, il sera nécessaire sans cesse d’appréhender les possibles dérives égotiques et illuminatrices de certains membres élus. L’enseignement et les recherches adéquates devront bien différencier et approfondir la constitution de l’Univers au plan cosmique (Dieu où autres définitions) sur ses 3 plans (l’Absolu, l’Âme Universelle, le Noùs) et l’homme sur ses trois plans (spirituel, psychique et matériel). Pour plus amples approfondissements voyez mon texte ayant pour titre « Dodécade et Sophia » sur ce même site.
IV — CONCLUSION
Le panthéisme ne nie pas l'existence de Dieu. Tout au contraire. Il affirme que Dieu existe, mais qu'Il s'identifie à la somme totale de tout ce qui fut, est et sera. Il s’assimile au monde à l’univers et les possibles autres univers parallèles. Tout ce qui existe est divin. L'être humain ne peut échapper à la divinité, parce que, tout comme le monde dans lequel il baigne, il est une partie de Dieu (ou encore partie du Tout, de l’Absolu, du Père, de l’Être suprême, du Grand Architecte, de l’Ain).
Suivant les prochaines et éventuelles orientations matérielles, psychiques et spirituelles de l’humanité, il est possible que cette dernière hypothèse prenne la voie que j’ai ébauchée, ou à la rigueur quelques fragments, dont j’ai relaté un très court, modeste et éventuel tracé, en sachant que l’addition des voies futuristes et possibles peuvent être à des années lumières de cette voie panthéiste proposée ici. Mais cela fait deux milles ans, dans notre civilisation occidentale, que nous flirtons de temps en temps avec cette voie, alors quid ?
Philippe Lassire